Nous sommes réunis ce soir pour rendre hommage, pour remercier et pour témoigner toute notre amitié à l'un des meilleurs d'entre nous.
Edmond Lekimme est l'incarnation vivante de l'homme tel que le scoutisme ambitionne de le former. Je sais que sa modestie, bien connue de nous tous, est mise à une rude épreuve en ce moment ; mais une fois, de temps en temps, il nous est permis de dire tout haut le bien que nous pensons tout bas d'un ami, d'un frère qui a su conquérir et mériter l'affection durable, l'estime et le respect de ceux qui communient avec lui dans un même idéal.
Je pourrais passer en revue les dix points de la Loi du Scout : je suis certain que j'éprouverais les plus grandes difficultés à en citer un seul sur lequel on pourrait trouver en défaut notre ami Edmond. C'est dire à quel point il a toujours eu le souci de mettre ses actes en concordance avec son idéal, c'est dire dans quelle mesure il a su, constamment, être l'exemple vivant pour les plus jeunes qui l' entouraient.
Sa simplicité souriante, dans cette supériorité morale qu'il a souvent montrée sur beaucoup d'entre nous, rendait celle-ci aisément acceptable par tous. Rudyard Kipling, dans son fameux poème : "Si", exaltant les vertus de l'homme, a dit : "Ne parais pas meilleur que les autres et ne parle pas trop sagement." Edmond Lekimme a su faire preuve, avec un rare bonheur, de cet effacement volontaire, de cette humilité dans la pratique des vertus morales. Par là, il a toujours su s'attacher durablement ses chefs et ses disciples. Ils sont devenus pour lui plus que des camarades, plus que des amis : ils sont ses frères dans toute l'acceptation du terme, sinon par le sang, du moins par le coeur. Je m'honore personnellement, je suis fier d'avoir contribué dans une faible mesure à la formation d'un tel caractère.
Edmond est pour moi le Pélican-type. Tous ceux qui ont vécu au Groupe de l'Eléphant blanc dans le courant des vingt-cinq dernières années, savent combien ce terme Pélican symbolise pour nous l'ensemble des qualités que nous désirons trouver chez nos chefs. C'est avec un plaisir qui ne s'est jamais usé, avec émotion aussi, que je pense souvent aux belles années de la première patrouille des Pélicans. Parmi des Chefs de patrouille d'élite, le Castor-qui-parle-peu était le Chef de patrouille modèle. Plein de sollicitude et fraternel pour ses scouts, il était pour moi un auxiliaire précieux dans la direction générale de la 18è Troupe. Il arrivait qu'il ne fût pas d'accord avec les conceptions de son chef et il apportait alors à défendre ses idées une persévérance, une âpreté parfois qui était l'expression d'une volonté froide et arrêtée et qui provoquaient à l'occasion d'interminables discussions. Mais jamais sa bonne foi ne pouvait être mise en doute et c'est à cette époque que j'appris à le connaître à fond et à apprécier sa belle personnalité. Je me suis souvent plu à caractériser Edmond, lorsque je parlais de lui avec d'autres chefs ou avec des Anciens en disant : "On peut bâtir une maison sur la parole d'Edmond." J'exprimais par là la confiance illimitée que j'ai toujours eue dans sa loyauté inébranlable et dans son irréprochable correction.
Faut-il s'étonner, dès lors, que je le choisis pour devenir mon collaborateur direct à la direction de la 18è Troupe ?
Non seulement il devint mon Assistant, mais ce fut lui qui me succéda plus tard à la tête de la troupe, lorsque je fus obligé d'assumer de plus larges responsabilités, au moment où le Groupe E.B.A. prit de l'extension. J'ose dire que cette désignation fut un des plus grands honneurs qui pût lui échoir au sein de notre organisation.
Et la carrière scoute d'Edmond de poursuit ainsi, sans éclat, sans exploits spectaculaires, avec un effacement qui, je le répète est un des traits dominants de son caractère, mais avec une persévérance, un dévouement, une opiniâtreté jamais en défaut. Il oeuvra de toute son âme à la bonne marche, au développement et à la prospérité du Groupe de l'Eléphant Blanc.
Lorsque le scoutisme B.S.B. d'une commune voisine fut privé de direction et qu'on nous demanda de l'aide, je fis appel à lui pour diriger cette Région. Sans hésiter, il accepta cette lourde tache, alors qu'il était devenu Commissaire Régional Adjoint dans notre Région et que tout son coeur était parmi nous. Il donna une fois de plus, en cette occasion, la preuve de la haute conception qu'il avait de son devoir de scout.
Plus tard, il revint entièrement chez nous pour, une fois de plus me succéder, à la tête, cette fois, de toute l'organisation scoute de notre commune. Il assuma cette charge pendant plus de six ans, dans des conditions particulièrement difficiles. Je m'étais senti moi-même impuissant à remonter le courant qui nous emportait vers une diminution continuelle de nos effectifs, vers une déficience sans cesse accrue et du nombre, et de la valeur de nos chefs. Nous avions tout essayé déjà pour surmonter les obstacles issus de la dernière guerre : nos meilleures traditions perdues, nos cadres de chefs brisés et dispersés. Malgré nos efforts, malgré nos peines, nous n'étions pas parvenus à redresser la situation. Cette pénible succession échut au nouveau Commissaire Régional. Je me souviens, comme si c'était d'hier, de la conversation que nous eûmes à ce moment. Je n'avais rien caché à Edmond des soucis et des difficultés qui l'attendaient et il eut pour seule réponse ce mot que je n'oublierai jamais : "Je le ferai pour toi, et pour le Groupe! "
II réfléchit, il chercha, il tâtonna, il travailla, il réalisa et parvint à conduire le Groupe affaibli à travers vents et marées. Il sauvegarda, malgré l'adversité, l'essentiel de notre patrimoine scout, il s'évertua à assurer l'avenir et la relève. S'il n'a pas eu le bonheur de voir couronner de résultats définitifs et durables la tâche ardue qu'il s'était imposée, il ne faut en accuser que les circonstances exceptionnellement dures et difficiles dans lesquelles il exerça son mandat.
Personnellement, je lui suis infiniment reconnaissant des efforts qu'il a accomplis, du temps qu'il a consacré à notre oeuvre commune, de l'abnégation et de la compétence qu'il a mises au service de l'éducation des enfants de notre commune.
Le Commissaire Régional Edmond Lekimme a droit, largement, à la gratitude, au respect, à la profonde affection de tous les lutins, louveteaux, guides, scouts, chefs et Anciens du Groupe de l'Eléphant Blanc. Il a été le troisième chef du Groupe, en l'espace de presque quarante ans. Rien que ce fait, qui prouve irréfutablement la valeur de ceux qui ont eu l'honneur de diriger notre mouvement, le met à la place qu'il mérite. Son totem voisine d'ailleurs fraternellement, sur le tee-pee du Groupe, avec ceux de Renard Gris Persévérant et du Loup rêveur.
L'Association des Boy -Scouts de Belgique, qui connaît et qui a su apprécier à leur juste valeur les signalés services rendus au scoutisme par Edmond Lekimme, a voulu lui exprimer sa reconnaissance et lui en donner un témoignage tangible : elle lui a décerné une de ses plus hautes distinctions : l'Etoile d'Officier d'Honneur. J'aurais beaucoup aimé, mon Cher Edmond, que cet insigne te fût remis par celui que je considère comme le symbole du scoutisme B.S.B., son ancien Commissaire National, le Colonel Blondeel. Malheureusement, ses multiples occupations l'ont empêché d'être parmi nous ce soir, et il s'en excuse vivement auprès de toi. Dans ces circonstances, il m'échoit l'honneur de procéder moi-même à la remise de cet insigne. Je ne sais pas si tu regretteras le fait que le personnage qui te le remet n'a pas le lustre de celui qu'il remplace. Mais je suis sûr de deux choses : d'abord, c'est que pour moi c'est plus qu'un honneur, c'est une véritable joie d'avoir été choisi par le Conseil Directeur pour procéder à cette remise de distinction honorifique à celui qui a toujours été prêt à remplacer son chef défaillant ; ensuite, que cet insigne reçu des mains de ton vieux frère, aura pour toi plus de valeur que s'il t'était remis par un quelconque Commissaire du Centre.
Mon Cher Edmond, au nom de l'Association des B.S.B., au nom du Conseil Directeur de la Région Bruxelles Ouest II, je te décerne l'Etoile d'Officier d'Honneur de l'Association.
Il me reste, Chères Soeurs Guides, Chers Frères Scouts, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, à remplir un dernier devoir de gratitude : c'est d'associer à celui que nous fêtons, celle qui a eu assez de compréhension et assez de patience pour permettre à son mordu de mari de consacrer tant de temps et tant de pensées à l'oeuvre qui lui est chère. Ma chère Jeanne, permets-moi, au nom de tous ceux qui font partie du Groupe de l'Eléphant Blanc et de l'Amicale des Anciens Scouts, de t'offrir ces quelques fleurs, gage modeste de notre affectueuse reconnaissance.
Pierre MAEZELE