ELEPHANT BLANC D'ANDERLECHT

E B A

Le Passé du Groupe de l'Eléphant Blanc d'Anderlecht


Discours prononcé, le 28 mars 1925, par le chef de Groupe Maezele, à l'occasion de l'inauguration du local du Groupe " L'Eléphant Blanc", à Anderlecht,



MONSIEUR LE BOURGMESTRE,

MONSIEUR LE PRESIDENT DU COMITE EXECUTIF,

MESDAMES, MESSIEURS,

Ce m'est un sincère plaisir de pouvoir vous remercier, au nom des Chefs et des Scouts du Groupe de l'Eléphant, d'avoir bien voulu répondre à l'invitation que nous vous avons fait parvenir et d'avoir tenu, par votre présence, à nous montrer l'intérêt que vous portez au scouting.

Le Groupe de l'Eléphant Blanc des Boy-Scouts de Belgique inaugure aujourd'hui son local. C'est un jour magnifique pour nous, jour que nous avons tous attendu avec une fébrile impatience depuis un an. Je dis un an et, en effet, un an s'est écoulé depuis le jour où, grâce au dévoué Président du Comité du Groupe, j'ai nommé Monsieur le Bourgmestre, nous avons pu disposer librement de ce local.
Un an! Un an pour faire le travail que nous avons fait ici, un an pour transformer cette gare désaffectée en un lieu de réunion pour des enfants et des jeunes gens! C'est énorme, dira-t-on. Qu'a-t-on pu faire ici pendant un an et comment est-il possible que l'on ait travaillé aussi longtemps pour aménager ce local?, se demandera mainte personne. Si vous me permettez de vous dire en deux mots ce que fut pour nous cette année qui vient de s'écouler, vous le comprendrez.

Le 12 mars 1925 nous fûmes avisés officiellement que nous pouvions disposer de la Gare de Cureghem pour y tenir nos réunions. Le 14 mars, un dimanche, nous y vînmes pour la première fois.

Les locaux que vous voyez étaient à ce moment dans un état de saleté repoussante, je me rappelle à ce propos ce que me dit Monsieur le Bourgmestre le jour où je lui demandai si nous ne pouvions obtenir de la Commune un local où nous pourrions travailler et nous réunir librement, sans dépendre d'une école ou du concierge d'une école. Passant en revue des bâtiments communaux, où nous aurions pu trouver un local, Monsieur le Président me dit : " Voyez un peu à la Gare de Cureghem. Il y a là deux grandes salles inutilisées.

Cependant, je crains qu'elles ne puissent vous convenir, car elles sont dans un état d'abandon lamentable. " Or, chose peu probable, ces salles inutilisées et abandonnées nous convenaient parfaitement.

Ce que fut notre première réunion, ici, l'on peut facilement se la représenter : un enthousiasme fou parmi les scouts, une trentaine, maniant à qui mieux mieux brosses, loques, seaux; frottant, époussetant, arrosant, jetant de l'eau et toujours de l'eau.

Pour notre malheur, la grande quantité d'eau que nous avions versée à l'étage, ne s'évacuait pas par l'escalier, mais traversait bel et bien le plancher et arrosait, au rez-de-chaussée, les scouts qui y travaillaient. Cette journée fut, pour nous, fatigante, éreintante, mais combien réconfortante pour nos cœurs de scouts!

Les réunions se suivirent à partir de ce jour, régulières. Nous attendîmes cependant un mois et demi avant d'avoir de la lumière dans notre local (à l'heure actuelle la salle d'en bas n'en possède d'autre que celui d'une lampe à pétrole, que nous avions reçue). Malgré cela nous nous étions mis au travail avec courage, sans nous laisser rebuter par les revers et les difficultés de la tâche que nous devions accomplir. Pensez un peu : nous possédions des murs et un toit, mais il nous fallait construire des chaises, des tables, des étagères, en un mot il nous fallait installer notre ménage.
Mais quels étaient nos moyens pour mener à bien cette tâche ardue? La caisse était excessivement pauvre (nous possédions environ trois cents francs, auquels sont venus s'ajouter les cotisations de nos scouts, somme avec laquelle nous avons vécu jusqu'à ce jour). Nous ne possédions que de vieux outils usés, pour construire des meubles un peu présentables.
En outre, notre local n'était chauffé qu'une réunion sur deux, la caisse ne pouvant apporter l'achat régulier de combustible. Enfin, l'éclairage électrique semblait se jouer de nous : à chaque instant l'installation, subissant les effets de l'humidité de ces locaux, se troublait et nous restions sans lumière pendant plusieurs semaines, pendant deux mois à certain moment.
Nous travaillions alors tant bien que mal à la lumière d'une lampe à pétrole ou d'une lampe à carbure qui, dans ces grandes salles, faisaient l'effet de vers luisants. Si le travail avançait, vous pouvez l'imaginer et vous pouvez vous faire une idée de ce que ce travail eut d'agréable pour nous. Malgré tout cela, notre local prenait petit-à-petit un air habité et nous commencions déjà à penser à la date d'inauguration quand, brusquement, dans la mût du samedi 17 au dimanche 18 octobre 1925, un incendie éclata, dont les causes ont été attribuées à un vice de construction de la cheminée.
Une partie du plancher fut brûlée, un de nos brancards d'ambulance fut détérioré et tout notre travail d'ornementation était à vau-l'eau. Presque tout était à recommencer et, cette fois, avec moins d'argent encore que la première fois, puisque une grande partie de notre encaisse avait déjà été dépensée.

En dépit de ce nouveau coup du sort, nous nous remîmes résolument au travail et nous sommes parvenus, croyons-nous, à rendre notre local agréable et vraiment " Scout ". Quant à la salle du rez-de-chaussée, elle était ornée et aménagée au moment où l'incendie a éclaté. Toutes les saletés, l'eau sale sont tombées dans cette pièce, le long des murs et elle a par conséquent, autant souffert de l'incendie que cette salle-ci. Comme elle n'est pas éclairée le soir et comme l'argent nous fait défaut, il ne nous a pas été possible, malgré notre vif désir, de la remettre en état.

Toutes ces difficultés sont venues s'ajouter à nos moyens de travail assez réduits, n'oublions pas en effet, que tout ce que nous avons fait ici l'a été pendant les heures de loisirs que nous laisse notre profession ou l'école; que nous ne sommes pas des peintres, ni des décorateurs, ni des menuisiers professionnels et que là où un ouvrier aura mis un heure pour faire un travail, il nous en fallait souvent deux et parfois trois pour le mener à bien.
Enfin, ne perdons pas de vue qu'il nous fallait continuer notre activité purement scoute, c'est-à-dire que nos scouts devaient apprendre leur métier de scout, si je puis dire; qu'ils devaient se préparer pour le concours annuel - appelé Champ de Mai - organisé entre tous les scouts du pays; que nous devions sortir, campés, sous peine de perdre tous nos jeunes gens.
On comprendra que l'on ne pouvait faire venir des enfants et des jeunes gens à des réunions pour leur faire continuellement et exclusivement manier le pinceau, la brosse, les ciseaux, le marteau, les tenailles et toutes sortes d'outils disparates. Il nous fallait varier, amuser et intéresser nos scouts pendant ce temps-là; besogne qui n'était pas toujours des plus facile.

Comprenez-vous maintenant, Monsieur le Bourgmestre, Monsieur le Président du Comité Exécutif, comment le Groupe de l'Eléphant Blanc des Boy-Scouts de Belgique parvint à passer un an à orner et à aménager son local.

La grande question pour nous, c'est qu'il est aménagé maintenant. Les déboires et les difficultés que nous avons connues appartiennent déjà au passé. Devant nous, de belles perspectives, un champ d'action vaste, infini.
Nous possédons notre " club " maintenant, où nos garçons viendront se délasser et se distraire sainement après leur travail ou après la classe. Ils viendront s'y perfectionner, ils viendront y suivre des cours d'ambulance, de télégraphie, de botanique; ils viendront y apprendre à servir leur prochain : ils y trouveront des lectures saines et instructives; ils y trouveront des amis loyaux, s'astreignant tous à une discipline morale résumée dans la Loi du Scout.
C'est ici que nous pourrons mettre en pratique notre programme et atteindre notre triple but : faire de nos garçons des hommes sains, forts, décidés; leur donner une forte culture morale en les soumettant dès leur jeune âge à une loi qu'ils acceptent volontairement; enfin, leur donner une foule de connaissances aussi diverses qu'utiles dans la vie.

Vos enfants, Mesdames et Messieurs, sont ici sous la direction de chefs qui savent ce qu'ils veulent et savent où ils vont. Vous pouvez avoir pleine et entière confiance en eux : ils feront de vos fils des hommes dans toute la large acception de ce mot.
Et puisque l'occasion m'en est offerte, laissez-moi vous demander de ne plus avoir certains préjugés contre le scouting en général et contre le camping en particulier. Trop de parents encore consentent - j'insiste sur le mot - à ce que leur fils soit scout rien que parce que cela plaît à ce dernier et qu'il y trouve de l'amusement.
Eux-mêmes y voient trop souvent un ridicule jeu d'enfant, une lamentable préparation militaire. Trop souvent aussi, i1 arrive qu'un de nos garçons vienne me dire que ses parents ne veulent pas qu'il aille camper. La tendre sollicitude maternelle ou paternelle pousse trop loin, maintes fois, la peur des accidents ou des maladies.
Au camp, nos scouts mènent une belle vie saine, amusante et éminemment favorable au développement harmonieux des qualités morales, physiques et intellectuelles. Il ne faut pas croire que vos fils y jouent aux voyous, qu'ils cassent les branches dans les forêts, qu'ils y apprennent à devenir des sauvages.
Au contraire, ils y sont constamment surveillés et, au contact de la nature, deviennent plus simples, meilleurs et ne connaissent pas les tares dont est frappée la jeunesse d'après-guerre. Leur caractère bien trempé, leur personnalité bien accusée leur facilitera la lutte pour la vie et leur permettra de passer partout la tête haute, en vrais scouts.
Au point de vue de l'hygiène toutes les précautions sont toujours prises rigoureusement et la façon dont nous campons offre tout apaisement quant au danger de rhumes, de rhumatismes, de maladies. Tout camp entraîne pour celui qui le fait un regain de force, une augmentation de la capacité de travail, une amélioration de l'état de santé.
Et ceci ne sont point des affirmations toutes gratuites. A l'appui de mes dires, je ne vous citerai qu'un seul cas, probant entre tous.

En août 1924, nous avons fait un camp de 15 jours à Bouillon. Nous étions 14 campeurs. En arrivant à Bouillon, j'ai pesé dans la gare tous les scouts.
Au camp nous avons eu de la pluie pendant 10 jours environ, circonstance qui nous empêcha d'exécuter une grande partie de notre programme. Or, au retour, ayant pesé à nouveau les scouts, voici ce que j'ai constaté : la moyenne du poids de tous les campeurs avait augmenté du chiffre incroyable de 2 kilos 1/2 ! 2 kilos 1/2 d'augmentation de poids en 15 jours! Un seul n'avait augmenté que de 1 kilo 1/2! Ces chiffres ne sont pas fantaisistes; je pourrais désigner les scouts de qui je parle, presque tous font encore partie de notre Groupe.
Leurs parents ont compris le bien énorme que leurs enfants retirent de notre institution. Au surplus, j'invite toutes les personnes qui sont présentes ici à aller voir, à la première occasion, un de nos camps, je suis persuadé que vous serez tous convaincus de l'utilité du camping et que les parents seront les premiers à inciter leur fils à nous accompagner.

Pour conclure, Monsieur le Bourgmestre, Monsieur le Président du Comité Exécutif, Mesdames et Messieurs, j'ai le plaisir de vous annoncer que quelques personnes dévouées, étrangères au scouting mais ayant parfaitement compris la beauté et l'utilité de notre mouvement, vont former un comité d'assistance ayant pour but de soutenir financièrement le Groupe de l'Eléphant Blanc.
A l'heure actuelle, un grand nombre d'enfants de notre commune sont dans l'impossibilité de profiter des bienfaits du scouting. Soit qu'ils ne puissent se payer un équipement, soit qu'ils ne puissent nous accompagner au camp, notre villégiature, dont le prix de revient défie cependant toute concurrence - 4 francs par jour environ.
Ce comité d'assistance visera à porter remède à cette situation. Par l'organisation de fêtes, par l'adhésion au comité de membres d'honneur, il tâchera de nous soutenir financièrement : il subsidiera le Groupe pour l'achat d'équipements, il accordera des réductions sur le prix de revient des camps.

Je fais ici un vibrant appel à toutes les personnes que le scouting intéresse et spécialement aux parents, de nos scouts pour que tous se fassent membres de ce comité d'assistance .Une première réunion aura lieu, sur convocation dans quelques jours. On notera en sortant, le nom des personnes qui désireraient se faire membres. Une liste de souscription, au profit du Groupe, est ouverte à partir d'aujourd'hui. Elle vous sera présentée tantôt. J'ose espérer que tout le monde lui fera le meilleur accueil.

Il me reste, Monsieur le Bourgmestre, Monsieur le Président du Comité Exécutif, Mesdames et messieurs, à vous réitérer mes sincères remerciements pour l'intérêt que vous voulez bien nous porter. Je suis certain que notre Groupe, soutenu comme il ne tardera pas à l'être, sera bientôt une œuvre d'éducation forte, solidement organisée et qui comptera dans la Commune d'Anderlecht comme une des institutions les plus intéressantes, sinon les plus belles.

Supplément au journal LE SCOUT, avril 1926

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Jean Marc De Bock